L'écriture du corse - A scrittura di u corsu


L'écriture d'une langue doit répondre à plusieurs exigences antagonistes : elle doit autant que possible être proche de la langue parlée sans pour autant se couper de ses racines, et elle doit donc à ce titre respecter quelques règles étymologiques. C'est cette double nécessité qui fait que, en français par exemple, l'on trouve nombre de mots qui ne se prononcent pas comme ils s'écrivent :

femme [fam] fémina
ration [rasj'ɔ̃] ratio
second [seg'ɔ̃] secundus *
rose [r'oz] rosa

* : il faut noter que dès le bas-empire romain, le latin vulgaire (celui du peuple) le c se prononçait déjà g dans ce mot.

On pourrait multiplier les exemples.

Il faut noter que cela n'est pas spécifique au français : en anglais par exemple, on écoute un disque live [laiv] mais je vis se dit I live [ai liv] (le même mot, écrit de la même manière, se prononce de deux façons différentes).
Chacun connait les exemples célèbres :

Les poules du couvent couvent. [kuv'ã k'uv],
Il fait attention à ce que nous n'attentions pas à ...
[atãsj'ɔ̃ atãtj'ɔ̃],
Une fille tranquille ...
[fij trãk'il], ...

Chaque langue a ses incohérences, ses difficultés : il suffit de les apprendre. La pratique, et elle seule, permet de maîtriser la lecture.

Voir La phonétique historique et L'écriture phonétique internationale API.
Voir Notes sur l'histoire de l'écriture du corse.


Au début des années 1970, les propositions de concernant les règles d'écriture du corse ont remporté une assez large adhésion de la part des différents acteurs. Un compromis à peu près général a été trouvé. Par malheur, ces règles ne sont pas toujours respectées ! On rencontre (trop souvent) des graphies pour le moins ... hasardeuses.

Les textes plus anciens (avant l'adoption de ces règles d'écriture), laissent apparaître des différences très marquées (voir les divergences) dont il faut être conscient.

Si l'on écarte le problème de l'orthographe, le problème de l'écriture (destinée à l'apprentissage) est surtout celui de la place de l'accent tonique et de l'aperture des voyelles e et o. L'écriture ne permet pas de résoudre ces deux problèmes simultanément : on marque soit l'accent tonique soit l'aperture, sauf à souligner les syllabes toniques, ce qui est impensable.

Enfin, des différences d'écriture apparaissent souvent parce que le a et le e peuvent subir à l'oral des variations très importantes (voir cartes des variantes). Le a ou le e peut se prononcer [a], [ae] ou [è=ɛ] selon les régions : ainsi, terra se verra prononcé [t'arra] dans le sud et [t'ɛrra] au nord, scarpu se verra prononcé [sk'ɛrpu] dans le nord et [sk'arpu] au sud. Dans ces cas, c'est l'étymologie qui doit départager les locuteurs pour ce qui concerne l'écriture. Sur ce site, c'est la démarche que, autant que possible, je priviligierai (voir les divergences).

Pour ma part, j'utilise le plus souvent possible le dictionnaire de , qui est mon juge de paix. A l'exception du è pour et unn pour ùn, qu'il est seul à utiliser (ce qui ne signifie pas qu'il ait tort !).


L'accent tonique - L'incalcu

Contrairement au français où l'accent tonique est situé sur la dernière syllabe d'un mot (syllabes muettes exclus), l'accent tonique peut être placé à peu près n'importe où en corse. Le corse fait parti (comme le provençal, l'italien, l'espagnol et bien d'autres) des langues à accent tonique flottant. Le français est une langue à accent tonique fixe.

La position de l'accent tonique (l'incalcu) est très important puisqu'il peut modifier le sens d'un mot :
exemples :
     calamita [aimant] [kalam'ida] et calamità [calamité] [kalamid'a].
     catarru [rhume] [kad'arru] et càtaru [portail] [k'adaru].

Le problème de l'accentuation est résolu en adoptant l'écriture utilisée dans le dictionnaire d'I CULIOLI et par Pascal MARCHETTI dans ses ouvrages ASSIMIL. Lorsque l'accent est sur un e ou un o, cela peut aussi résoudre (localement) le problème de l'aperture de la voyelle si l'on utilise accents graves et accents aigus.

La plupart des mots ont l'accent tonique sur l'avant-dernière syllabe : casa [maison] [k'aza], machja [maquis] [m'atja]... L'usage veut que cet accent ne soit jamais indiqué. Ce sont les parolle lisce (mots "lisses").

Normalement, comme en italien (et contrairement à l'espagnol), l'usage veut que l'accent ne soit indiqué (par un accent grave appelé aletta) que lorsqu'il est sur la dernière syllabe ( [bien], [donner], cantà [chanter], libertà [liberté],...). Ce sont les parolle mozze (mots "coupés").

Certains auteurs - soit pour des raisons pédagogiques s'adressant à des étudiants , soit parce qu'ils pensent qu'on devrait toujours le faire - ont pris le parti de le mettre également quand il est placé sur l'antépénultième (l'avant-avant-dernière) : ghjòculu [jouet] [dj'ogulu], ghjàrgalu [ravin] [dj'argalu], càmera [chambre] [k'amɛra] (ce sont les parolle sguìllule - mots "glissants") ... ou quand on a deux voyelles consécutives ne formant pas une diphtongue avec une accentuation sur la première d'entre elles : zìu [oncle] [ts'iu], Bastìa [Bast'ia], et ce uniquement dans le cadre d'une démarche pédagogique. En toute rigueur, dans le cadre de la norme actuellement adoptée, ces accents ne devraient pas être indiqués.

Quand on a deux voyelles consécutives i+a/e/i/o/u ne formant pas une diphtongue (et telles qu'elles ne rentrent pas dans les catégories énoncées dans la prononciation des voyelles), Pascal MARCHETTI prend aussi le parti de mettre des trémas sur le i : vïaghjà [voyager] [biadj'a], vïaghju [voyage] [bi'adju], tïanu [ragout][ti'ãnu] ... Sur le site web, il ne figurera pas toujours (on écrira généralement viaghjà, viaghju, tianu, ...) et donc seule la phonétique permet de savoir s'il y a diphtongue ou pas. La phonétique est disponible dans les lexiques et parfois dans les phrases (si le mot s'y trouve !).

Quand l'accent est sur la syllabe précédent l'antépénultième, il s'agit la plupart du temps de mots composés, et il n'apparaît pas : andemucine [allons-nous en] [and'ɛmuʤinɛ]. Sur ce site on le mettra : andèmucine.

Un petit truc : les mots se terminant par -ulu, -ule, -ile, etc ... sont souvent accentués sur la syllabe précédente : furmìcula, fàciule, diffìciule, perìculu, fìsciulu, estendìbile, esplurèvule, gròmbulu, ùtile, ghjuvèvule, numìgnulu, intìngulu, ... C'est aussi souvent le cas des mots en -isme en français qui deviennent soit en -ismu soit en -ìsimu en corse : sucialìsimu (ou sucialismu), bunapartìsimu (ou bunapartismu), ... Et également des mots se terminant par -icu ou -ica : funètica, fràcicu, fantàsticu, fìsica, ...


Aperture des voyelles e et o - L'apertura di e vucali e è o

Ce problème ne concerne que les voyelles e et o qui peuvent être soit ouverte soit fermée (cf. La prononciation des voyelles). Il ne peut être résolu totalement que par l'utilisation de la phonétique (cf. La phonétique).
Il est crucial dans la mesure où il permet de différencier deux homonymes :
exemples :

ora ombre ['ɔra] ora heure ['ora]
corsu cours [k'ɔrsu] corsu corse [k'orsu]
botte les bottes [b'ottɛ] botte le tonneau [b'ɔttɛ]
mele pommes [m'ɛlɛ] mele miel [m'elɛ]
candela * bougie [kand'ɛla] candella goutte [kand'ella]

Voir O ouvert ou fermé ? et E ouvert ou fermé ? .
Voir aussi Les lexiques.

* : il y a ici une autre différence, la longueur du double l qui doit être plus marquée que celle du l seul.